Note sur les politiques de réduction de l'artificialisation des sols

À la demande du sénateur Jean-Baptiste Blanc, la Division de la Législation comparée a réalisé une étude sur les politiques publiques en matière de réduction de l’artificialisation des sols dans quatre pays de l’Union européenne : l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas.

Cet enjeu s’inscrit dans un contexte européen puisque la stratégie de l’Union européenne (UE) pour la protection des sols fixe l’objectif de « parvenir à zéro artificialisation nette des sols » d’ici 2050. La proposition de directive sur la surveillance et la résilience des sols, présentée le 5 juillet 2023 par la Commission européenne, définit l’artificialisation des sols (en anglais land take) comme la conversion de terres naturelles et semi-naturelles en terres artificielles. Sont considérées comme artificielles « les terres utilisées comme plateforme pour les constructions et les infrastructures, comme source directe de matières premières ou comme archives pour le patrimoine historique, au détriment de la capacité des sols à fournir d’autres services écosystémiques »3. L’artificialisation (land take) est clairement distinguée de l’imperméabilisation des sols (soil sealing). Le texte prévoit également un système harmonisé de surveillance de la santé et de l’artificialisation des sols ainsi que des principes d’atténuation que les États membres doivent respecter en cas d’artificialisation des sols.

En France, l’article L. 101-2-1 du code de l’urbanisme, introduit par la loi du 22 août 20214 dite « climat et résilience » définit l’artificialisation comme « l’altération durable de tout ou partie des fonctions écologiques d’un sol, en particulier de ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques, ainsi que de son potentiel agronomique par son occupation ou son usage. La renaturation d’un sol, ou désartificialisation, consiste en des actions ou des opérations de restauration ou d’amélioration de la fonctionnalité d'un sol, ayant pour effet de transformer un sol artificialisé en un sol non artificialisé. L’artificialisation nette des sols est définie comme le solde de l'artificialisation et de la renaturation des sols constatées sur un périmètre et sur une période donnés ». L’article 191 de la loi « climat et résilience » prévoit un objectif national juridiquement contraignant « d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 », avec un premier objectif intermédiaire de réduction de moitié du rythme de la consommation d’espaces dans les dix prochaines années entre 2021 et 2031.

En premier lieu, la présente étude illustre la diversité des terminologies utilisées dans les pays voisins pour désigner le phénomène d’artificialisation et l’absence de définition juridique précise. En Allemagne et aux Pays-Bas, les termes employés peuvent être littéralement traduits par « utilisation des surfaces » (Flächenverbrauch) ou « occupation de l’espace » (ruimtebeslag). En Italie, la « consommation des sols » (consumo di suolo) est définie par l’Institut supérieur pour la protection et la recherche environnementales comme le passage d’une couverture terrestre non artificielle à une couverture terrestre artificielle. En Espagne, les notions d’urbanisation ou de dégradation des sols sont couramment utilisées mais le concept d’artificialisation ne semble pas avoir d’équivalent.

En deuxième lieu, l’inscription dans la loi d’un objectif de réduction de l’artificialisation des sols apparaît comme une exception française. Parmi les pays étudiés, seules l’Allemagne et l’Italie ont défini un objectif national à savoir, respectivement, limiter l’artificialisation à moins de 30 hectares par jour d’ici 2030 et parvenir à l’absence d’artificialisation nette des sols d’ici 2030. Cependant, ces objectifs ne sont pas juridiquement contraignants et n’ont fait l’objet d’aucune déclinaison ou répartition aux niveaux régional ou local. En Espagne, ni l’État central, ni les communautés autonomes n’ont adopté d’objectif en matière d’artificialisation, tandis qu’aux Pays-Bas le gouvernement a indiqué qu’un objectif de zéro artificialisation nette n’était pas réalisable.

En troisième lieu, bien qu’il n’existe pas de déclinaison ou de répartition, la mise en œuvre de l’objectif national de réduction de l’artificialisation relève avant tout des Länder en Allemagne et des régions en Italie. Dans la péninsule italienne, les législations régionales pertinentes en matière d’artificialisation des sols comportent généralement de larges exceptions et apparaissent, dans l’ensemble, peu opérationnelles. En Allemagne, certains Länder, comme la ville-État de Berlin, utilisent activement l’instrument de compteur écologique (Öko-konto) pour compenser l’artificialisation, tandis que le Land du Bade-Wurtemberg privilégie l’octroi de subventions à des projets pertinents et l’aide à la création de postes de « gestionnaires d’espaces » au sein des communes.

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Thématiques
Sol
Auteur
Direction de l'Initiative Parlementaire et des Délégations - Sénat
Date de publication