Création de prairies biodiversifiées sur des sites urbains déconstruits et temporairement disponibles

- Structure porteuse : Etablissement public foncier (EPF Nord-Pas de Calais

- Localisation : Multi-sites répartis sur les territoires du Nord et du Pas-deCalais, région des Hauts-de-Franc

- Spécificités du site : Il s’agit de sites urbains ou périurbains issus d’une opération de recyclage foncier. Site composés de technosols (briquaillons, déchets de démolition), temporairement disponibles avant la réalisation de projets de reconstruction. Présence de sites en milieu urbain; en contexte bâti et souvent habités, sur sols remaniés et donc très hétérogènes et très contraints (anthroposols).

- Enjeux identifiés : absence d’enjeu, terrains initialement nus offrant l’opportunité de créer des écosystèmes prairiaux temporaires favorables à la biodiversité, notamment aux communautés d’invertébrés.

- Statut juridique : absence de statut de protection, terrains classés constructibles au PLU(i)

Des friches rendues à la nature, transformées en forêts ou en parcs cultivés et entretenus © G. Lemoine

Légende : Des friches rendues à la nature, transformées en forêts ou en parcs cultivés et entretenus © G. Lemoine

 

Historique et contexte de la démarche

En Nord et Pas-de-Calais, l’Etablissement public foncier (EPF) participe au renouvellement urbain en « recyclant »les friches urbaines et industrielles (acquisitions foncières, déconstructions voire traitement des sources concentrées de pollution des anciens espaces bâtis). Dans certains cas, les friches, une fois le bâti déconstruit, peuvent rester de nombreuses années en attente d’une nouvelle affectation. Sur celles-ci s’expriment alors des dynamiques spontanées notamment de colonisation végétale qui peuvent prendre des formes diverses, en fonction de la nature des sols en place, de l’âge et de la taille des sites ainsi que de leurs situations dans les matrices et trames écologiques urbaines (proximité de milieux plus ou moins naturels « sources »). Les sols des friches et délaissés urbains sont souvent caractérisés par l’histoire « industrielle » ou urbaine des lieux. Ces espaces artificialisés sont fortement minéralisés (pavés, enrobés, ballasts) ou correspondent souvent à des technosols (zones remblayées de gravats ou bétons concassés) présentant de fortes contraintes pédologiques, écologiques et agronomiques. Les végétations spontanées qui s’y développent peuvent alors être de différents types. À côté des espèces rudérales et d’espèces exotiques voire envahissantes, l’arrivée de boisements à base d’espèces exotiques ou de ligneux plus régionaux (saules, bouleaux, érables sycomores principalement) peut également devenir anxiogène pour les élus et les habitants, qui craignent l’émergence d’activités illicites (trafic, prostitution, squat…) sur ces espaces dont une partie est masquée par la végétation. Dans certains cas, après travaux de démolition, l’installation spontanée d’espèces protégées peut également être contraignante pour les repreneurs et aménageurs des terrains ainsi rendus disponibles.

Présentation de l'action

Enjeux et objectifs

Devant la situation provoquée par l’arrivée de flores (voire de faunes) « non désirées », l’EPF a décidé, dans le cadre de son programme pluriannuel d’intervention (PPI 2015-2019), de généraliser les verdissements des espaces sur lesquels il a entrepris des travaux et dont il a la propriété. Depuis 4 ans l’ensemble de ses terrains après travaux sont ainsi ensemencées pour créer des systèmes prairiaux temporaires.

Les mélanges implantés varient en fonction de la nature des sols, de la situation de l’ancienne friche (urbaine ou périurbaine) et de sa vocation future. Lorsque les terrains ont la vocation de participer à la constitution de « cœurs de nature » (c’est-à-dire de réservoir de biodiversité) définitifs dans la trame verte urbaine, l’installation de pelouses et prairies sèches est privilégiée surtout lorsqu’il s’agit de tirer parti de l’oligotrophie des sols et des « champs de cailloux » présents (gravats issus de la démolition). Dans d’autres cas, nettement plus nombreux (sur les sites en portage court qui vont rapidement repartir à l’urbanisation), ce sont des couverts conçus à base de Fabacées (issus de mélanges agricoles) qui sont installés afin de couvrir rapidement les sols, avoir des coûts de gestion les plus réduits possibles et une meilleure acceptation sociale en offrant aux habitants un milieu ouvert, coloré et fleuri. Les espèces implantées sont choisies pour leur forte attractivité pour les Hyménoptères sauvages et domestiques (abeilles, Anthophila) notamment pour les espèces d’abeilles à langue longues (comme les bourdons et les Megachilidae) particulièrement menacées en Europe du nord-ouest et en France. .

Moyens humains et matériels

Les travaux d’ensemencement sont réalisés dans le cadre de marchés et commandes publiques. Ils sont confiés à des entreprises d’espaces verts (en commande directe ou en tant que sous-traitant des entreprises de démolition). Il s’agit de réaliser des semis classiques avec ou sans travail du sol (en fonction de la nature des anthroposols en place). Dans certains cas l’hydroseeding2 est utilisé (grandes surfaces à traiter et apport de stimulants organique pour favoriser l’implantation et la germination des graines).

Les espèces thermophiles et des prairies mésotrophes sont choisies dans la flore régionale et sont d’origine régionale certifiée (Ecosem). Il s’agit initialement d’espèces récoltées en Nord, Pas-de-Calais et Wallonie, et aujourd’hui multipliées en Belgique pour être vendues de part et d’autre de la frontière. La récolte initiale des graines ne suivait pas le label « végétal local » mais en est assez proche.

Méthodes de restauration

Le choix des espèces s’est fait parmi les taxons très florifères et de faible croissance (Trèfle blanc et/ou Lotier corniculé, en mélange avec de petites graminées comme des fétuques) afin de limiter les coûts d’entretien et de favoriser l’acceptation sociale. Afin d’assurer une multifonction des mélanges herbacés implantés, le choix s’oriente vers l’installation de Fabacées, ou de prairies fleuries à base de Fabacées, Astéracées et Apiacées sur l’ensemble des sites traités. Ces grandes familles végétales ont l’avantage d’être favorables aux invertébrés (Lépidoptères, Orthoptères notamment) et principalement aux pollinisateurs sauvages, tant pour l’alimentation des larves que celle des imagos comme les Hyménoptères Anthophiles (Megachile, Osmia, Bombus…). Lorsque l’espace le permet, à côté du Trèfle blanc (Trifolium repens) et du Lotier corniculé (Lotus corniculatus) utilisés avec un mélange de petites Poacées (fétuques diverses…), des parcelles d’Anthyllide vulnéraire (Anthyllis vulneraria), de Luzerne cultivée (Medicago sativa) et de Sainfoin cultivé (Onobrychis viciifolia) sont également implantées (au centre des parcelles et éloignées des axes de circulation du public et des riverains). Ces mélanges permettent d’étaler les floraisons, de favoriser d’autres espèces d’invertébrés et d’offrir un paysage artificiel plus varié et coloré (« land art »).

Les plus grosses difficultés rencontrées correspondent à la temporalité de l’action. Les chantiers de démolition et de nivellement des friches urbaines ont lieu en permanence. Le sol étant constitué de 20 à 30 cm de remblais, aucune préconisation particulière n’a été prise pour éviter son tassement.et dans certains cas les sols sont cylindrés. Les sites peuvent être alors disponibles pour l’implantation des semis à des périodes peu favorables à la germination des graines (hiver et plein été) où les conditions climatiques (froid ou sécheresse) rendent les germinations difficiles voire impossibles. De plus, de nombreuses entreprises missionnées sont également des entreprises sous-traitantes de celles ayant répondu aux marchés de démolitions (dans le cadre d’un lot unique). Cette activité n’est donc pas le cœur de mission des entreprises qui réalisent ces opérations. Aucune gestion n’est par ailleurs ni prévue ni entreprise sur les espaces ensemencés. Seules des interventions ponctuelles le longs des clôtures mitoyennes sont réalisées (fauche) lorsque la végétation est jugée trop haute par les riverains et services techniques des communes concernées.

Méthodes de suivi et d'évaluation

Les semis testés et évalués par l’EPF (détaillés ci-dessus) ont permis de trouver les mélanges présentant le meilleur compromis entre les coûts d’acquisition, d’installation et de gestion, la facilité de reprise et leurs qualités esthétiques et écologiques. Globalement, le mélange à base de trèfles est plus adapté aux milieux très urbanisés car sa croissance est plus faible alors que sur des milieux périurbains, le mélange à base de lotier compte tenu de son grand intérêt pour l’entomofaune permet de diversifier les prairies créées. Ces tests ont aussi révélé que sur les espaces ensemencés, l’apparition des espèces ligneuses et des espèces exotiques envahissantes est quasi nulle. Cependant ces espèces colonisent ponctuellement les espaces dans lesquels une banque de graines ligneuses (saules…) existait et/ou là où les graines semées n’ont pas germé (dépressions humides). Les mélanges herbacés implantés font également l’objet d’une évaluation sur leurs intérêts pour la faune sauvage (invertébrés principalement et leurs prédateurs) qui sont les principales espèces concernées par l’effondrement de la biodiversité constatée par la communauté scientifique. Sur divers sites, des suivis naturalistes ponctuels sont effectués. Toutefois aucun suivi « protocolé » n’a été réalisé.

Coordonnées

Lainière de Roubaix
Contact

Guillaume Lemoine

Référent biodiversité et ingénierie

g.lemoine@epf-npdc.fr