Mise en place d'un chantier expérimental de génie végétal sur le canal des Rotours

Objectifs :

La réalisation d'un chantier de formation au génie végétal s'inscrit dans le cadre du programme PROTEGER, piloté par le parc national de la Guadeloupe. Ce programme vise à expérimenter des aménagements de confortement des berges conciliant préservation de la biodiversité et gestion durable, en proposant des alternatives aux méthodes de génie civil traditionnelles.

Ce projet cible particulièrement le canal des Rotours, un site emblématique de la commune de Morne-à-l'Eau, au riche passé historique et culturel.

Creusé à main d'Hommes au XIXe siècle, ce canal a joué un rôle majeur dans l'essor agricole, le transport de marchandises et I'organisation territoriale.

Bien que sa fonction actuelle diffère de sa vocation initiale, il reste aujourd’hui un élément structurant de la trame verte et bleue du territoire.

Avec l'évolution de l’occupation des sols, la richesse écologique du canal mérite d'être préservée et renforcée. Ce chantier poursuit un double objectif : restaurer la richesse naturelle du canal et innover en matière d'aménagement en adoptant des techniques de génie végétal reposant sur l'implantation d'espèces indigènes et patrimoniales. Il permet également de former les acteurs locaux à ces pratiques durables. Ainsi, le projet contribue activement à la préservation des écosystèmes humides et à la valorisation du patrimoine naturel et culturel de Morne-à-I’Eau.

Mesures mises en œuvre :

Le chantier de formation au génie végétal à Morne-à-l'Eau constitue le troisième chantier du programme PROTEGER en Guadeloupe. Par suite d’une organisation en étroite collaboration avec les équipes municipales, le chantier s'est déroulé sur cinq jours sur une parcelle de 30 m2 sur le Quai Joachim RICARD, comprenant : une journée de formation théorique en salle et quatre journées de travaux pratiques sur le terrain. Une dizaine de participants issus des établissements publics de coopération intercommunale de la Guadeloupe, d'entreprises et d'institutions, dont deux agents municipaux impliqués dans les thématiques locales, ont été formés aux techniques de génie végétal. Ces travaux ont consisté à replanter des espèces locales telles que le mangle médaille, le pois doux et le courbaril, afin de restaurer la végétation identitaire et de renforcer les habitats naturels.

Les activités sur le terrain ont inclus plusieurs étapes clés : la reconnaissance du site, la collecte et la préparation des plants issus de la flore locale, ainsi que la mise en place des dispositifs de stabilisation végétale. Les participants ont été sensibilisés à l'importance d'utiliser des espèces indigènes pour renforcer la résilience écologique et préserver l'identité biologique du canal. Le choix des espèces s'est fait en concertation avec les spécialistes écologues mandatés par le parc national pour garantir la compatibilité des plantations avec les conditions hydrologiques et écologiques du site.

Afin d'inclure la population, une réunion publique s'est tenue en septembre 2024 pour présenter aux riverains et usagers du canal les contours du projet.

Un suivi écologique est prévu sur une période de trois ans pour évaluer l'évolution de la biodiversité et l'efficacité des techniques employées. Ce suivi comprend des relevés floristiques et faunistiques réguliers, permettant de mesurer l’implantation des espèces plantées et de suivre la dynamique écologique du canal. Le chantier a également permis de sensibiliser les participants et les acteurs locaux aux enjeux de la préservation des milieux humides.

En parallèle des travaux, des temps d'échanges ont été organisés pour partager les bonnes pratiques et favoriser la diffusion des techniques de génie végétal auprès des gestionnaires de milieux naturels. Une visite officielle avec les élus et la presse a mis en valeur l'engagement de la commune et du parc national. Un séminaire en avril réunira les acteurs du territoire pour partager l'expérience et discuter des freins à ces projets.

Résultats / impact pour la biodiversité :

Trois mois après l'intervention, les premiers résultats sont encourageants. Malgré quelques mortalités attendues sur ce chantier novateur, le suivi met en évidence plusieurs signes positifs. Une végétation indigène reprend : mangle médaille et fougère dorée. Une surprise notable est l'apparition de giwof ma (Ludwigia octovalvis), une espèce locale spécifique aux milieux humides, absente jusqu'alors dans cette zone.

D'autres espèces locales comme le pois doux et le bois carré montrent également une croissance significative. Ces résultats traduisent une dynamique positive dans la persistance de cette végétation sur les berges du canal.

Le chantier a aussi favorisé une activité vivante de la faune locale, avec une activité accrue d'espèces emblématiques telles que les crabes, symboles de Morne-à-I'Eau, ainsi que des pollinisateurs comme les abeilles, les papillons, et d'autres espèces de coccinelles, libellules et papillons. Ces observations témoignent d'un attrait par rapport à la qualité de l'habitat et de la fonctionnalité écologique du canal.

Bien que le suivi soit encore récent, une période de suivi sur trois ans permettra de confirmer ces tendances positives et d'ajuster les actions si nécessaire pour assurer la pérennité des résultats obtenus. Ce projet constitue ainsi un exemple concret de mobilisation pour la biodiversité alliant restauration écologique, formation et valorisation du patrimoine local.

Crédit photo : Boris Courret